Deux ans de travail sur les Roms qui tombent en pleine actualité. Après le choc du Photographe par le duo Guibert/Lemercier, le nouveau roman graphique avec un photo-reporter, Alain Keler. Série publiée dans XXI, augmentée de deux histoires inédites et d’un portfolio. Quelques mots d’Alain… Mes parents s’aimaient et s’engueulaient sans arrêt. Je suis devenu reporter- photographe pour échapper a leurs disputes. J’ai voyage trente ans pour les agences de presse. Le matin ici, a midi la, le soir ailleurs. Je faisais des photos, je gagnais ma vie, mon métier me plaisait. Et puis, j’en ai eu marre. Marre d’enquiller les avions, les rouleaux de pellicule, les tampons sur le passeport, sans prendre le temps de respirer. Un jour, j’ai croise les Roms. La première minorité du continent européen. Je suis le Xe photographe a m’intéresser a leur sort, mais ca n’a aucune importance. J’aime aller chez les Roms.C’est rarement des vacances. Je ne choisis pas les communautés les plus florissantes. Je vais dans les cloaques. Ces lieux sont hallucinants de misère.Un mot me vient, il est familier, excusez moi, c’est: barge.Des endroits barges. Je n’arrive pas en sifflotant. Je ne brandis pas mes appareils photo. Je mesure combien un type qui entre, fait clic-clac et ressort peut sembler ignoble a des gens qui n’ont rien. Je ne prends pas non plus l’air sinistre ou contrit. J’essaie d’être moi-même. Ce n’est pas facile, quand on est remue. Les gosses me font tourner en bourrique. Ilsme tirent, me poussent, crient pour que je leur tire le portrait, se pendent aux courroies de mes appareils, dix fois, cent fois, jusqu’à l’exaspération. Pourtant, je leur dois souvent des moments de beauté foudroyants qui, avec un peu de chance, se retrouvent sur les photos. Comme je prends la précaution d’être bien accompagne, je suis généralement bien accueilli, par des gens qui n’ont de cesse que de m’ouvrir leur porte et de m’asseoir a leur table. Si je reviens, ce que j’essaie de faire, plusieurs fois de suite, ou a des mois de distance, je suis reconnu et l’affection franchit un pas. J’apporte les tirages des photos, parfois les clopes et le repas. Dans les sujets que j’ai visites comme photographe, souvent tragiques, j’ai toujours cherche la survivance, au fond, de ce qui rend heureux. Les petites choses. Les scènes ou rien ne se passe et ou, de fait, tout se passe. Les bas-cotes des éventements. Chez les Roms, ces scènes abondent. Le présent est la, brut, sans chichis, avec une intensité qu’il a rarement ailleurs. Alain Keler.