La valise mexicaine

En 1939, Robert Capa quitte en urgence la France pour les États-Unis, laissant dans son studio parisien, 37, rue Froidevaux, des boîtes contenant des négatifs et des tirages de la Guerre d’Espagne. Son ami Csiki Weisz, un photographe hongrois lui aussi réfugié à Paris, les emporte à Bordeaux : « En 1939, alors que les Allemands approchaient de Paris, j’ai mis tous les négatifs de Bob dans un sac et j’ai rejoint Bordeaux à vélo pour essayer d’embarquer sur un bateau à destination du Mexique. J’ai rencontré un Chilien dans la rue et je lui ai demandé de déposer mes paquets de films à son consulat pour qu’ils y restent en sûreté. Il a accepté ». On perd alors toute trace de ces images. Pendant près de quarante ans, elles sont recherchées, en vain. Toutes sortes de rumeurs circulent sur l’existence de ces négatifs disparus. En 1979, Cornell Capa, frère du photographe, alors directeur de l’International Center of Photography, publie un encart dans une revue internationale de photographie en vue de recueillir des informations nouvelles sur ce film introuvable. Par la suite, plusieurs ensembles ou cachettes des photographies perdues de Capa sont découverts, mais pas les négatifs cruciaux. Ceux-ci sont en possession de Benjamin Tarver, un cinéaste mexicain qui les a hérités de sa tante. La défunte les a elle-même reçus d’un parent, le général Francisco Javier Aguilar González, ex-ambassadeur du Mexique à Vichy de 1941 et 1942. En 2007, Tarver finit par livrer les images à Trisha Ziff une conservatrice de Mexico. Ziff remet la Valise Mexicaine à l’ICP le 19 décembre 2007.

La légendaire valise mexicaine de Robert Capa, contenant des négatifs de la guerre d’Espagne, était considérée comme perdue depuis 1939. Récemment retrouvée à Mexico, elle est exposée aujourd’hui pour la première fois en Europe. La valise – il s’agit en réalité de trois petites boîtes – renferme près de 4 500 négatifs : non seulement des photographies de Capa mais également celles de ses compagnons, tous juifs et exilés, les photojournalistes Chim (David Seymour) et Gerda Taro. Ces négatifs couvrent la guerre d’Espagne (1936-1939) à travers les chroniques détaillées de Chim en 1936-1937, la documentation de l’in- trépide Taro, qui a photographié jusqu’à sa mort sur le champ de bataille en juillet 1937, et les reportages incisifs de Capa menés du début de la guerre aux derniers mois du conflit. On y trouve également celles du photographe et ami Fred Stein, représentant Taro, des images qui sont devenues, depuis la mort de celle-ci, intimement liées aux images de la guerre elle-même. Entre 1936 et 1940, les négatifs passent de main en main dans un souci de préservation, pour finalement refaire surface à Mexico en 2007.La guerre d’Espagne a éclaté le 19 juillet 1936. Au sens le plus large du terme, il s’agissait d’un coup d’État militaire mené par le général Francisco Franco et dont le but était de renverser le gouvernement de la République d’Espagne, élu démocratiquement et constitué d’une coalition entre la gauche et le centre. Dès ses premières heures, la guerre d’Espagne a attisé les passions de ceux qui voyaient l’attitude de Franco – qui jouissait d’un soutien matériel de l’Allemagne et de l’Italie – comme révélatrice de la montée du fascisme en Europe. De nombreux intellectuels et artistes de gauche se sont alors ralliés à la lutte antifasciste soutenant, dans des publications pour la presse internationale, la cause républicaine. Les négatifs de la valise mexicaine permettent de regarder d’un œil nouveau l’immense production des trois photographes, à travers des portraits, des scènes de combat, ainsi que des images rappelant les effets désastreux de la guerre sur les civils. Si certaines de ces œuvres nous sont déjà familières grâce à des tirages d’époque ou des reproductions, les négatifs de la valise mexicaine, présentés ici sous la forme de planches-contact agrandies, dévoilent pour la première fois l’ordre de la prise de vue, ainsi que certaines images totalement inédites. Ce fonds ne représente pas seulement un panorama exceptionnellement riche de la guerre d’Espagne – un conflit qui a changé le cours de l’histoire de l’Europe – mais révèle également les trois photojournalistes en tant que fondateurs de la photographie de guerre moderne.

Du studio parisien de Robert Capa, les boites qui renferment les précieux tirages et négatifs de la Guerre d’Espagne partent à Bordeaux, emporté par Csiki Weisz, photographe hongrois et ami de Capa. Il confie « En 1939, alors que les allemands approchaient de Paris, j’ai mis tous les négatifs de Bob dans un sac et j’ai rejoint Bordeaux à vélo pour essayer d’embarquer sur un bateau à destination du Mexique. J’ai rencontré un Chilien dans la rue et je lui ai demandé de déposer mes paquets de films à son consulat pour qu’ils restent en sûreté. Il a accepté. » Les images restent introuvables pendant près de quarante ans. En 1979, le frère de Capa, qui est alors directeur de l’International Center of Photography publie un article dans une revue photographique pour les retrouver. Il n’obtient pas de résultat satisfaisant. Les photos sont en réalité en possession de Benjamin Taver un cinéaste mexicain, qui les a héritées de sa tante (qu’elle avait reçu de l’ex-ambassadeur du Mexique). Il les livre à une conservatrice de Mexico, qui remettra la valise à l’ICP en décembre 2007.